Comment transmettre le goût du cinéma aux plus jeunes ? Quels films choisir ?

 

La salle de cinéma, c’est ce lieu merveilleux pour vivre des existences plus grandes que la sienne. C'est un moyen extraordinaire pour rire ou pleurer ensemble dans le noir, un éducateur libérateur qui pose de grandes questions morales, philosophiques, existentielles… Sans oublier ce bonheur de la conversation après un film vu en famille ou avec une bande de copains.

Ali Rebeihi se souvient de ce jour de décembre 1982, où il est allé avec sa famille voir E.T. de Spielberg au cinéma Gaumont, Place Wilson à Toulouse. Il se souvient de sa sœur Sonia âgée de 7 ans, les mains devant les yeux tout au long de la séance, n’osant regarder l’extra-terrestre. Il se souvient des sanglots de cette salle archi-pleine qui pleurait à l’unisson. Il se souviendra à jamais des valeurs de l’amitié indestructible entre Eliott et E.T.

Nous sommes tous des enfants du cinéma ! Et à l’occasion de la mobilisation générale de France Inter pour le 7e art, une question se pose : comment donner le goût des salles obscures aux plus jeunes, à l’heure de la concurrence féroce des plateformes ? Réponse avec les invités.

Transmettre le goût du septième art aux plus jeunes

Montrer les films que l'on aime

Pour initier des enfants au cinéma, rien de tel que de montrer des films qu'on aime, comme nous l'indique Guillemette Odicino, cheffe de la rubrique cinéma à Télérama et chroniqueuse à France Inter. Souvent, le miracle se fait et l'émerveillement est partagé. La passion pour certains films peut même se transmettre de génération en génération.

Découvrir toutes sortes d'œuvres

L'idée est de ne pas être frileux non plus sur ce qu'on les emmène voir. C'est en effet une ouverture sur le monde qui est d'une richesse incroyable que de les emmener voir des œuvres diverses et variées. Cela leur permettra de découvrir des lieux, des époques, des personnes, des croyances, etc. dont ils ne connaissent parfois rien. À l'heure où les algorithmes peuvent nous enfermer dans des bulles, où l'on regarde souvent des films qui correspondent à nos goûts et à nos univers, l'on peut s'en éloigner, et ne pas craindre des œuvres exigeantes. Cela permet aussi aux jeunes de se situer, de se construire un point de vue.

Faire vivre des émotions et en discuter

Grâce aux films, les enfants peuvent vivre des émotions absolument extraordinaires et durables. On les vit pleinement ensemble puis après on peut alors nommer les émotions, les décrire, les expliquer, et interagir autour de ce que l'on a ressenti.

Sylvie Chokron, neuropsychologue, explique : "au cinéma, on est dans une situation qui favorise vraiment cette perception des émotions parce non seulement on est voyeur, mais on est là pour ça. [...] On supprime toutes les autres perceptions, ce qui n'est pas le cas actuellement du monde dans lequel on vit. Donc on est dans le noir, on n'a pas le droit de parler, on n'a même pas le droit de faire du bruit si on mange des gâteaux. Toute notre attention va être focalisée sur les situations qui se passent, sur les émotions des personnages. On est là pour les analyser, on va pouvoir en parler après le film avec nos parents ou les personnes qui étaient là ou les autres enfants. Et donc c'est d'une richesse incroyable pour s'approprier justement le monde des expressions faciales, des émotions, des situations et le comprendre."

Les conversations, après le visionnage d'un film, sont primordiales. Partager des émotions avec d'autres permet donc de les comprendre mais aussi de se rassurer. Quand les enfants sont petits, ce grand écran peut faire un peu peur.

Des recommandations d'œuvres

Les Quatre Cents Coups, de François Truffaut

Dans cette œuvre de 1959, on suit les frasques du jeune Antoine Doinel. Tous les invités recommandent de voir ce film en noir et blanc, qui montre une histoire d'enfance, et qui marque à coups sûr petits et grands.

Mon voisin Totoro, de Miyazaki

C'est un film animé qui a bouleversé l'imaginaire de toute une génération d'enfants lors de sa sortie dans les années 90, et encore actuellement il demeure un classique. Carole Desbarats, enseignante et essayiste, recommande de visionner toute la filmographie de Miyazaki. Elle explique : "c'est quelqu'un qui filme des petites filles et des petites filles en position active et des petites filles qui sont des héroïnes, qui portent l'action."

Le Kid, de Charlie Chaplin

Le philosophe américain Stanley Cavell défendait l'idée que le cinéma permettait une sorte d'éducation morale collective. Carole Desbarats prend alors l'exemple du Kid, premier film de Charlie Chaplin, considéré comme un des plus grands films de l'ère du muet : "c'est l'histoire d'un nourrisson, trouvé dans un carton et adopté par un homme. Et puis vous voyez cet homme en 1921 sait faire des couches, nourrit avec un biberon, sans problème. [...] C'est intéressant parce qu'on voit toujours les femmes qui vont s'occuper de ça."

avec

- Patrick Facchinetti : directeur de l’Association « Passeurs d'images ».

- Carole Desbarats : Enseignante et essayiste. Directrice artistique des rencontres nationales du Havre sur les séries. Elle a dirigé les études à « La Fémis » puis créé le pôle communication à l’ENS Ulm. Autrice de « Enfances de cinéma », Warm, à paraître le 4 novembre 2022.

- Guillemette Odicino : Journaliste, critique et Cheffe de la rubrique « Cinéma » à Télérama. Chroniqueuse tous les vendredis dans « Grand bien vous fasse ».

- Sylvie Chokron : Neuropsychologue et Directrice de recherches au CNRS.

Autrice de « Une journée dans le cerveau d'Anna - Notre quotidien décrypté par les neurosciences », Eyrolles, Octobre 2020

 

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Les films:
FleeJonas Poher Rasmussen, 2021
L'école du bout du monde,Pawo Choyning Dorji, 2020